
Homélie du Père Emmanuel-Marie :
Que peut bien nous dire cette parabole du mauvais riche et du pauvre Lazare ?… Elle nous renvoie au rapport que nous avons à la richesse et à la pauvreté. Le piège serait de ne pas se sentir concerné parce que l’on n’est pas fortuné. On ne fréquente pas les hôtels de luxe à mille euros la nuit et quand on voit un pauvre qui mendie, on ne lui donne rien pour une bonne raison, pour ne pas encourager son alcoolisme et parce qu’il y a des structures qui lui viennent en aide. Autrement dit, on se dédouane de toute remise en cause personnelle… Tout va bien pour moi. Et je pointe du doigt mon voisin plus riche que moi qui ferait bien d’entendre cet Évangile.
En vérité, la Parole de Dieu a toujours quelque chose à me dire pour que je m’améliore, et il n’est pas exagéré de dire qu’il y a un mauvais riche en chacun de nous… peut-être pas en permanence, mais par exemple quand mon cœur me porte à désirer une fortune que je n’ai pas – le péché commence avec le désir ; ou bien quand je garde jalousement pour moi ce que j’ai, au lieu de le partager. On pense aux biens matériels, mais il n’y a pas que cela. Nous avons toutes sortes de richesses : des richesses humaines, des richesses spirituelles qui doivent être partagées. Nous savons que dans nos pays nantis (peut-être plus pour longtemps), les misères les plus dramatiques sont souvent cachées parce que ce sont des misères de l’âme qui touchent les riches plus que les pauvres.
On est toujours riche de quelque chose à donner ! D’ailleurs, ce que l’on a, on l’a reçu. « Qu’as-tu que tu n’aies reçu ? » dit st Paul. Un exemple : nous, chrétiens qui venons à la messe, par amour et non par contrainte, nous sommes riches de l’Amour de Dieu qui nous est donné, pas pour nous seuls, mais pour la multitude. Vous savez qu’on ne reçoit pas Jésus pour soi tout seul, mais pour un rayonnement qui nous dépasse. Si nous négligeons le don de Dieu, nous qui connaissons ce trésor, non seulement nous pénalisons notre âme, mais une foule d’âmes du purgatoire qui attendent notre « oui ». Nous tombons dans le piège du mauvais riche, laissant à sa porte tant d’âmes affamées .
Le don des vertus théologales de foi, d’espérance, et d’amour, que nous recevons au baptême et qui est renouvelé à chaque Eucharistie, grandit quand nous le partageons avec d’autres, sinon il s’épuise. C’est pourquoi notre vie chrétienne, nous ne devons pas la vivre seule, mais en Église. Dans un feu, une braise qui s’isole, se refroidit. De-même, on ne cultive pas une semence isolément ; c’est avec d’autres qu’elle pousse, et en grandissant, chacune reçoit l’espace qui lui convient. L’Église est une Mère qui nous nourrit à la mamelle de la grâce, par la prière et par les sacrements.
Chacun doit se décider à « mener le bon combat de la foi » pour « s’emparer de la vie éternelle », en s’exerçant à la prière continuelle, et en gardant le commandement de l’amour jusqu’au retour du Christ, comme l’exhorte st Paul à Timothée. Nous sommes appelés à rayonner le Christ, et ce rayonnement ne dépend pas de notre générosité naturelle, de nos bonnes actions passagères ; il dépend essentiellement de la Miséricorde de Dieu, de sa grâce, qui nous est gratuitement offerte en Église. Mettons notre confiance en Jésus et en sa Mère Marie qui est aussi notre Mère. Ne laissons jamais le découragement nous envahir devant les difficultés, cherchons en Lui notre salut et restons attentifs au pauvre, car il y a toujours plus pauvre que soi. Amen